Cinq organisations musulmanes, dont l’Association Internationale Diyanet (Présidence turque des affaires religieuses) de Belgique, déposent plainte contre GAIA pour infraction supposée à la loi contre le racisme

L’affiche de campagne montrant un mouton versant une larme de sang serait une « incitation à la haine et à la violence »

Cinq organisations musulmanes, dont l’importante Association Internationale Diyanet (= Présidence turque des affaires religieuses) de Belgique*, ont porté plainte contre GAIA, avec constitution de partie civile, pour « incitation à la haine et à la violence » et pour infraction à la loi contre le racisme. C’est ce qu’indique l’organisation de défense des animaux dans un communiqué. Diyanet et ses consœurs n’ont visiblement pas apprécié l’affiche de GAIA, montrant la tête d’un mouton versant une larme de sang. Depuis 2017, GAIA utilise cette image dans sa campagne visant à obtenir une loi qui impose l’étourdissement des animaux lors des abattages rituels. Pour l’instant, Bruxelles est la seule région du pays dans laquelle l’abattage sans étourdissement est (encore) autorisé. Plus tôt cette année, l’organisation avait à nouveau mené une campagne pacifique pour que la Région bruxelloise adopte une interdiction similaire à celle en Wallonie et en Flandre. La plainte, dont vient d’être informé GAIA, concerne cependant sa campagne de 2017, lorsque l’association avait organisé une veillée nocturne devant la Maison de la Région, le siège du Gouvernement bruxellois. Conformément à la procédure (plainte avec constitution de partie civile), un juge d’instruction a été désigné, afin qu’il établisse un dossier à charge et à décharge. Entretemps le président de GAIA Michel Vandenbosch, a été entendu par la police bruxelloise, à la demande du juge d’instruction Olivier Leroux.

« C’est le bouquet », réagit Michel Vandenbosch, le président de GAIA. « Cette plainte est une tentative grossière d’intimidation et de calomnie. Combien de fois faudra-t-il répéter que GAIA a pour seul objectif l’amélioration du bien-être animal ? Et on ne peut pas le nier : il est scientifiquement démontré que l’abattage sans étourdissement fait terriblement souffrir les animaux ! Toutes les associations vétérinaires belges et européennes jugent cette pratique intolérable, justement en raison de la souffrance animale qu’elle provoque. »

Larme de sang

« La larme de sang qui s’écoule le long de la joue du mouton est évidemment le symbole de la souffrance indubitable, inutile et évitable qu’endurent les animaux lorsqu’ils sont égorgés en pleine conscience », précise Michel Vandenbosch. La Région bruxelloise n’a pas (encore) interdit cette pratique, contrairement à la Wallonie et à la Flandre, où la loi a été adoptée par une extrême majorité des députés, dans la majorité comme dans l’opposition, et sans aucun vote contre. L’interdiction en Wallonie et en Flandre entrera respectivement en application en septembre et en janvier 2019.

« Nous menons campagne de façon pacifique pour obtenir une interdiction de l’abattage sans étourdissement dans la Région bruxelloise, qui est à la traîne par rapport aux deux autres régions. Nous faisons donc usage de notre droit à la liberté d’expression dans un Etat de droit ! »

Offensés

Mais les dépositaires de la plainte contre GAIA voient dans les affiches une incitation à la haine, et interprètent la larme de sang comme si l’organisation de défense des animaux les dépeignait comme des « barbares ». Ils considèrent l’affiche comme stigmatisante et raciste, et affirment que de nombreux musulmans se sentent offensés. Ils estiment que GAIA sème la haine.

 Accusation gratuite

« Diyanet et ses consœurs font preuve de malhonnêteté en nous accusant de racisme et de xénophobie. Encore et toujours, on nous reproche à tort de ne pas être ouverts au dialogue avec les représentants musulmans à propos de l’abattage sans étourdissement. Depuis des années, nous prouvons le contraire, et nous acceptons toujours le débat. Cette plainte est un signal très mauvais et agressif, que l’on ne peut que regretter. Surtout que, contrairement à ce que peut affirmer Diyanet, de plus en plus de musulmans voient l’étourdissement réversible (ou, dans le cas de la fête du sacrifice, le versement d’un don) comme une alternative parfaitement valable. »

Riposte

« J’ai la forte impression qu’il s’agit d’une riposte, qui émane par ailleurs d’une institution royalement soutenue et subsidiée par une puissance étrangère. » Fin mai 2018, la Cour de Justice de l’Union européenne a confirmé l’interdiction flamande de l’abattage sans étourdissement sur les sites temporaires d’abattage. Et en juin 2018, le Conseil d’Etat donnait également raison à GAIA en annulant les agréments de deux abattoirs pop-up prévus pour l’abattage sans étourdissement à Genk et Beringen. L’AFSCA avait illégalement délivré ces agréments afin de contourner l’interdiction et de permettre aux musulmans d’abattre sans étourdissement lors de la fête du sacrifice. GAIA a aussi obtenu raison dans la décision du tribunal de première instance du Brabant-Wallon, qui avait condamné en 2015 et 2018 la commune d’Ottignies Louvain-la-Neuve, parce que celle-ci avait disposé, avant la fête du sacrifice, des conteneurs destinés aux déchets découlant d’abattages illégaux de moutons à domicile. Et récemment, GAIA a déposé plainte contre la ville de Liège, qui, dans le cadre de la fête du sacrifice de cette année, a délivré des autorisations d’abattre rituellement à domicile en dépit de l’interdiction, et a également disposé des conteneurs.

Pas à la légère

Michel Vandenbosch:  « Les auteurs de la plainte essaient de nous intimider, et de jeter le discrédit sur GAIA. Nous ne prenons pas à la légère le fait d’être accusés à tort d’incitation à la haine et à la violence, et d’enfreindre la loi contre le racisme ». Maître Anthony Godfroid, l’avocat de GAIA dans cette affaire, ajoute : « Un démocrate ne peut que regretter le nombre toujours croissant de procès pour délit d’opinion. Au final, GAIA ne fait que demander à la Région bruxelloise de suivre l’exemple de la Wallonie et de la Flandre, et d’interdire l’abattage sans étourdissement. J’espère que Diyanet ne s’attend pas à ce qu’à l’avenir, les affiches seront d’abord soumises à son administration (religieuse). »

* Diyanet, fondée en 1924 en tant qu’institution d’Etat et disposant d’une importante dotation turque, est l’administration dite Présidence des affaires religieuses turques. Diyanet est une compétence directe du Premier ministre turc (Monsieur Binali Yıldırım). Diyanet emploie 150.000 personnes. L’organisation n’est pas uniquement active en Turquie, mais livre également des services à des organismes musulmans étrangers, de tendance sunnite (hanafite en particulier). En Belgique, la « Belçika Türk İslam Diyanet Vakfı (BTİDV) » s’occupe depuis 1982 des intérêts religieux (sunnites) des Turcs de Belgique.

Outre l’Association Internationale Diyanet de Belgique, qui siège à la Chaussée de Haecht 67, 1210 Saint-Josse-ten-Noode, les associations suivantes accusent également GAIA d’incitation à la haine et à la violence, et d’infraction à la loi contre le racisme :

 – Fédération Islamique de Belgique, Chaussée de Haecht 124, 1030 Schaerbeek

 – Association Culturelle Albanaise de Namur (“HAXHI ZEKA”), Rue Courtenay 8, 5000 Namur

 – Association Culturelle Albanaise de Belgique, Avenue Rogier 60, 1030 Schaerbeek

 – Rassemblement des Musulmans de Belgique, Boulevard Baudouin 18, 1000 Bruxelles

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